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Plusieurs éléments et procédés retrouvés dans l'œuvre d'Alain Monnier, permettent au lecteur de comprendre qu'il s'agit d'une transposition subversive de l'œuvre Candide. En effet, Alain Monnier reprend l'œuvre de Voltaire, en y effectuant certains changements en vue d'une modernisation, car l'auteur adapte l'histoire à notre époque. Ainsi, cet article a pour but de comparer les deux œuvres en montrant les points communs et différences entre les deux œuvres. Tout d'abord l'article, évoquera les ressemblances et similitudes entre les deux œuvres, puis exposera dans un second temps ce qui les distingue l'une de l'autre.
La première ressemblance se retrouve dans les titres des deux livres. En effet, "Candide", qui est à la fois le nom du personnage et de l'œuvre de Voltaire, se rapporte indirectement à l'œuvre d'Alain Monnier qui elle, porte le titre Tout va pour le mieux !, célèbre parole prononcée par Pangloss, maître à penser et "philosophe" dans Candide. Le titre Tout va pour le mieux ! est ironique vis-à-vis de l'histoire comme nous le prouve toutes les mésaventures qui adviennent dans la vie de Benjamin. Le titre nous informe sur l'objectif de l'œuvre qui va être de se moquer par l'utilisation de différents procédés comiques.
Les titres des chapitres font également partis des ressemblances que nous pouvons ajouter aux points communs des deux œuvres. La ressemblance peut être perçue d'une part, par les titres eux mêmes, comme par exemple pour le chapitre 1, "Où Benjamin se retrouve chassé du paradis universitaire" correspondant dans Candide a "Comment Candide fut élevé dans un beau châeau, et comment il fut chassé d'icelui", ou d'autre part, ce qu'il arrive au personnage principal de deux œuvres, à savoir Candide et Benjamin comme dans le chapitre 26 ("Où Benjamin écoute les conseils de quatre prix Nobel" et "D'un souper de Candide et Martin firent avec six étrangers, et qui ils étaient"). On peut également remarquer une ressemblance dans la syntaxe qu'Alain Monnier utilise pour la formation des titres de ses chapitres (Où, Comment..).En somme, la ressemblance entre les titres des chapitres, nous informe sur deux intrigues probablement similaires.
Des personnages qui se correspondent à travers des époques différentes
A travers les deux histoires, nous pouvons identifier plusieurs des personnages de Tout va pour le mieux ! à ceux de Candide. Premièrement et à l’évidence, il y a Benjamin directement identifié au personnage de Candide. En effet, tous les deux des jeunes hommes au cœur pris, ils embarquent chacun dans une longue aventure après avoir été chassés de leur « paradis » respectif, afin de retrouver le bonheur.
C'est ainsi, durant leur voyage qu'ils vont croiser la route de différents personnages qui se rapportent eux aussi, de part et d'autre entre les deux œuvres : nous retrouvons bien évidement les deux femmes qui font battre leur cœur, il s'agit de Cunéguonde et Astrid. Cependant, contrairement aux deux éternels amoureux de l'histoire de Voltaire, Alain Monnier crée un amour entre Benjamin et Astrid à sens unique puisque la jeune femme au départ épanouie ignore complètement les sentiments du jeune homme.
On peut également retrouver les mentors de nos héros, à savoir le coach Adam Thims qui s'identifie à Pangloss, et Yaya qui par le récit de son histoire et le pathétique qu'elle en fait ressortir, nous rappelle le personnage de la vieille de Candide.
Enfin, nous pouvons retrouver Mr. Li correspondant au personnage de Cacambo dans Candide ainsi que Martin et le personnage du même nom dans les deux œuvres (il s'agit d'un professeur de philosophie dans Tout va pour le mieux).
Deux personnages que tout rapproche...
Benjamin est un jeune homme sérieux et travailleur mais pas toujours.
"Son visage poupin et son sourire de chérubin lui donnent l'air un peu naïf, ce qu'il n'est peut être pas."
Or, voici comment est décrit le héros moderne de Candide du coté de Voltaire :
"Il s'agit d'un jeune garçon a qui la nature avait donné les mœurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement le plus droit avec l'esprit le plus simple."
L'un comme l'autre, ils sont décrits comme étant deux jeunes hommes calmes, intelligents et paisibles qui vivaient une vie tranquille jusqu'à ce qu'ils soient « chassés » de leur « paradis ». Ils sont également tous deux éperdus d'amour pour une femme , mais contrairement à Candide l'amour que Benjamin porte à Astrid ne lui est pas rendu. De plus, on remarque chez les deux hommes une marque de compassion et de pitié comme dans le cas où Benjamin porte secours à la jeune Yaya et Candide lors de la rencontre avec l’esclave de Surinam dans le chapitre 29.
... et pourtant si différents
Les voyages de Benjamin et Candide sont guidés par des buts différents. En effet, si Candide part à la recherche de l'élue de son cœur, Benjamin lui, est guidé par l'espoir et le désir de trouver un travail afin de pouvoir gagner sa vie.
Les différences entre les deux héros est également due par l'écart du cadre spatio-temporel. Benjamin représente l'exemple même de l'étudiant d'aujourd'hui tandis que Candide représente le jeune homme en formation issu ayant grandi dans une famille aristocrate à une époque ancienne.
Benjamin paraît également être un personnage bien plus timide que Candide.
A plusieurs reprises, on peut identifier certains passages ou caractères clefs dans l'histoire d’Alain Monnier qui rappellent ceux dans Candide.
Dans Tout va pour le mieux !, comme dans Candide, au chapitre 17, les deux héros arrivent en un lieu de richesse dans lequel ils sont chacun accueillis avec beaucoup de sympathie et bonté de la part des habitants. L’Eldorado dans Candide peut être associé au Paradis fiscal de Tout va pour le mieux !.
En effet, les deux jeunes hommes y arrivent tous deux désespérés dans chacune des histoires mais en repartent revigorés par la générosité des résidents qui leur offrent des richesses. Bien entendu, étant donné qu'il s'agit de différentes époques, il s'agit de « fortunes » différentes : Candide repart avec ses moutons chargés d'or et autres trésors de grandes valeurs, tandis que Benjamin lui, repart avec une valise bourrée de tas de recommandations pour les gens puissants, d'actions, d'obligations et de parts qui pourrait lui être utiles pour le reste de son voyage.
Dans le chapitre 21, les héros sont en France ou en approchent et Martin, leur fidèle ami dans les deux histoires, expose sa théorie sur l'Homme provoquant un débat entre les duos de chacun des livres. Chez Voltaire, ce sont les habitants même de Paris que Martin critique : « C'est un chaos, c'est une presse dans laquelle tout le monde cherche le plaisir, et ou personne ou presque ne le trouve [...] » Selon lui personne n'est assez intelligent (ou si c'est le cas, il sera finalement détourné par l'amour ou autre passions qu'il provoque). Dans Tout va pour le mieux, Martin et Benjamin débattent du comportement de l'Homme dans la société de manière générale.
"le monde s'acharne à contrarier la belle et puissante théorie du Marché, du doux commerce et de la belle industrie."
"les hommes sont comme des marionnettes, ivres de libertés et de désirs".
Les critiques sont développées selon les époques, et pourtant, elles sont axées sur les mêmes problèmes à propos du comportement « destructeur » de l'Homme sur autrui ou encore envers lui même. Dans les deux cas, les auteurs cherchent à critiquer l'Homme. Toutefois, dans Candide ce qui caractérise Martin c'est son pessimisme tandis que dans Tout va pour le mieux !, il s'oppose a Benjamin et son coach Thims par son socialisme
Enfin, dans les chapitres 26 des deux livres, nous pouvons reconnaître sans nulle difficultés que la rencontre entre Benjamin et les quatre prix Nobels dans Tout va pour le mieux se rapporte au passage où Candide s'entretient avec les six rois déchus. D'un coté, nous avons Benjamin qui profite de la rencontre avec des hommes supposés être perspicaces, pour demander ce qu'il pourrait être bon de faire de sa fortune. Finalement aucun des quatre n'est capable de se mettre d'accord, défendant des idées différentes. Cependant, Benjamin arrive à trouver une chose sur laquelle ils sont tous d’accord : "pour être heureux sur Terre, il faut accumuler plus d'argent que ce que l'on a", faisant ainsi, une fois de plus ressortir les défauts de l'Homme de manière comique et ironique. De l'autre coté, nous avons Candide qui fait la rencontre de six rois chacun détrônés pour diverses raisons, apportant ainsi une morale et prouvant que le pouvoir n'est que provisoire.
Pour finir, Alain Monnier reprend, en les adaptant à aujourd'hui, les paroles de la vieille da Candide pour le personnage de Yaya dans Tout va pour le mieux ! :
« Je voudrais savoir ce qui est le pire : être violée, battue, vendue, mise sur le trottoir, et passer de main en main...ou bien de rester ici a ne rien entreprendre […] quelque chose d'inattendu. »
Dans les deux histoires ce sont les personnages ayant vécu les plus macabres et tristes mésaventures qui parlent et qui cherchent ainsi à critiquer l'Homme en expliquant indirectement qu'il ne se satisfait de rien et continue de se plaindre en permanence . La vieille et Yaya ne se plaignent d'ailleurs jamais bien que ce soit elles qui aient le plus souffert.
Alain Monnier a transposé les aventures de Candide à notre époque en écrivant une histoire plus moderne grâce à l'utilisation d'un niveau de langue plus courant, et plus actuel. De Candide à Tout va pour le mieux !, plusieurs changements peuvent être remarqués dans les procédés d'écriture. Dans la version d'Alain Monnier, ce qui rend l'histoire comique, ce sont les termes souvent tabous qu'il emploie et qui surprennent le lecteur, rendant ainsi des passages plus amusants et modernes et permettant une meilleure compréhension de ce qui arrive au héros Benjamin, jeune homme si sérieux, ayant fait autant d'études et finalement couronné non de succès mais plutôt de mésaventures.
Les deux histoires ne visent pas à critiquer les mêmes faits, d'une part par la différence d'époque et d'autre part, par la différence de l’histoire. Néanmoins, Alain Monnier reprend certains sujets critiqués dans Candide, et qui font encore l'actualité de nos jours.
Dans Candide, nous pouvons relever le champ lexical de la violence ou du « mal » puisque Voltaire critique les comportements violents que les Hommes ont entre eux que ce soit par la violence physique ou morale. Il critique la nature ingrate de l'Homme.
Alain Monnier, lui cherche à critiquer le monde du travail et la société d'aujourd'hui, dans le monde moderne. Nous pouvons donc nous attendre à retrouver le champ lexical de l'économie et du monde du travail.
D'autre part, plusieurs cibles de la critique dans Candide sont retrouvés dans l’œuvre de Monnier, notamment l'esclavage, ce qui montre que malheureusement, malgré le changement d'époque, et donc la supposée évolution de l'Homme, l'esclavage fait encore et toujours partie du monde d'aujourd'hui. Ainsi, la présence d'esclavage dans l'histoire d'Alain Monnier vise directement à susciter la réflexion chez le lecteur, qui doit percevoir la critique de l'auteur. L'auteur critique en montrant que malgré toutes les guerres et l’évolution de l'Homme depuis Voltaire, il n'y pas eu de changement remarquable sur le comportement que peut avoir l'Homme envers son prochain : "même si c'est scandaleux dans une démocratie de devoir acheter un être humain comme au temps des esclaves » (p.159).
Voltaire et Alain Monnier critiquent tous deux la société à travers les problèmes qu'elle connaît et qu'il cherchent a dénoncer selon leur époque.
Manolie P.